Art de l'ennui
The Longing
The Longing
Fiche d'identité
Date de parution : 5 mars 2020
Développeur : Studio Seufz (Anselm Pyta)
Producteur : Application Systems Heidelberg
Franchise : Aucune
Nationalité : Allemagne 🇩🇪
Langue : Pas d'audio, interface et sous-titres dans neuf langues dont le français
Prix : 14,99 €
Taille : 5 301 Mo
Durée de vie : Sans intérêt (non pertinent)
Synopsis
Vous êtes une Ombre, invoquée par un Roi chthonien afin de veiller sur son sommeil pendant les quatre cent jours dont il a besoin pour recouvrer sa puissance. Le Roi vous a interdit de gagner la surface mais il vous reste les nombreuses galeries du Royaume souterrain à explorer.
Analyse
Ludicité
Quoi de mieux pour patienter pendant le confinement qu'un jeu dépressif allemand qui a fait de l'ennui une mécanique de jeu ? Comment donc, fifrelin ? Vous osez vous montrez dubitatif ? Et pourtant ...
The Longing (L'Attente) est une expérience vidéoludique unique en son genre qui questionne la définition même du jeu. En effet, peut-on jouer à s'ennuyer ? L'ennui n'est-il pas l'antithèse du jeu ?
Quand je parlais d'attendre le retour du Roi pendant quatre cent jours. Il s'agit de quatre cent journées en temps réel. Quatre cent jours de votre vie à attendre que le jeu se finisse. Il y a donc deux possibilités :
- Lancer le jeu une première fois pour amorcer le compteur, ne plus y toucher pendant quatre cent jours et enfin le lancer une seconde fois pour réveiller le Roi au terme de sa longue sieste.
- Essayer de trouver de quoi s'occuper pour faire passer le temps. En explorant le donjon, on trouve de quoi rendre notre abri plus confortable, ce qui accélère le temps passé dedans. On peut aussi découvrir une des fins alternatives possibles.
J'ai été déçu de découvrir cette possibilité d'altérer la vitesse à laquelle le temps passe. Pour moi, la promesse d'une véritable attente de quatre cents jours était une proposition poétique romantique, pouvoir finir plus tôt casse en partie la force et la portée du jeu.
Reste que l'expérience "active" de jeu garde toute sa saveur : tout est incroyablement lent. Il faut plusieurs minutes pour ouvrir une porte ou traverser un couloir, la moindre action demande de s'armer de patience, parfois pendant des heures ou des jours !
Ajoutons à cela les remarques dépressives de l'Ombre et on se dit qu'il faut un peu de masochisme pour jouer à ce jeu. Petit florilège des aphorismes de la joie de vivre incarnée :
- Parfois, lorsque je m'ennuie, je mange des pierres.
- Ramasser de la mousse est une activité que je recommande à tous ceux qui cherchent à se divertir.
- Une touffe de mousse. C'est la plus belle de ma collection jusqu'ici.
- J'étais en train de passer un moment des plus plaisants à ne penser à rien de spécial ...
- J'ai déjà vu tous des endroits. Les mêmes cavernes, identiques à comme elles étaient il y a cent jours de cela.
Note : J'ai fini le jeu en deux mois au lieu des quatre cent jours auxquels je m'attendais. J'ai donc décidé de recommencer le jeu le 22 juin 2020 et de ne plus y toucher pendant quatre cent vraies journées cette fois-ci.
Direction artistique
Le jeu est inspiré d'une légende allemande qui veut que l'Empereur Frédéric Barberousse dorme sous les montagnes de Kyffhaüser et que son reveil coincide avec la restoration de la grandeur allemande.
Les graphismes sont similaires à ceux des autres jeux de Anselm Pyta, notamment Murder qui pourrait même se dérouler dans le même univers médiéval-fantastique. Tout en restant dans un style bande dessinée, on note un rendu final plus lêché, avec plein de petits traits, comme dans une note de Boulet.
La bande son est très minimaliste, souvent uniquement des sons d'ambiance qui amplifient le sentiment de solitude lors des phases d'exploration. Il y a cependant quelques musiques qui détonnent et qui symbolisent la grandeur passée du Royaume, soit lorsque le Roi prend la parole, soit dans certaines salles majestueuses.
Ces musiques ont été principalement composées par Lord Redstone mais quelques pistes sont dues au talent de Spectral Kingdom, Erdstall, Dungeontroll, Vindkaldr et Erang, d'autres groupes de Dungeon Synth. The Longing m'a permis de redécouvrir ce genre musical, historiquement proche du black metal et ô combien pertinent dans ce jeu sombre et triste qui fait la part belle à l'ambiance.
Public
Il est possible que l'Ombre se suicide. Le jeu aborde également des thèmes difficiles comme la dépression et la solitude. Son concept très expérimental ne plaira sans doute pas aux plus jeunes de toutes façons. Je conseille fortement ce jeu à ceux qui conçoivent le jeu vidéo comme un art et veulent en tester les limites.