Métaludicité
The Corridor
The Corridor
Fiche d'identité
Date de parution : 4 décembre 2020
Développeur : Thomas Mackinnon
Éditeur : Thomas Mackinnon
Nationalité : Écossaise 🏴
Langue : Anglais uniquement (audio, sous-titres et menu)
Prix : 1,59 €
Taille : 2,32 Go
Durée de vie : 30 minutes
Synopsis
Vous devez traverser un couloir pour appuyer sur un bouton. C'est tout.
Analyse
Ludicité
Lorsqu'on s'intéresse à la ludicité d'un jeu, on s'intéresse à ce qu'un jeu peut offrir de novateur d'un point de vue artistique. Soit qu'il ajoute simplement du Beau à l'oeuvre commune de l'Humanité, soit qu'il défende une idée.La métaludicité est au Jeu Vidéo, ce que l'Art contemporain est aux arts plastiques : une déconstruction du fond et de la forme qui permet de questionner le rapport à l'Art.
Les jeux couloirs sont en général très décriés par la majorité des joueurs puisqu'ils enferment le joueur dans une ludicité figée, décidée unilatéralement par l'artiste ludique. Les rares afficionados de ce choix ludique, dont je fais parfois partie, défendent un modèle qui sert avant tout la cohérence narrative.
Thomas Mackinnon, en bon écossais, s'est donc dit un jour "Hold my beer and watch this" puis a créé le jeu de couloir ultime (Corridor = couloir en anglais). Le fond et la forme sont anecdotiques ce qui fait que même l'argument narratif n'est plus pertinent. Ce qui est intéressant c'est de voir la réponse des joueurs face à cette proposition absurde. 25% des joueurs ont fini le jeu et un peu moins de 10% a obtenu tous les trophées. Le jeu a donc prouvé que son questionnement était légitime. Malgré l'austérité sans précédent de la ludicité, un quart des gens ayant joué à The Corridor, y ont trouvé un intérêt suffisant pour poursuivre l'expérience jusqu'à sa conclusion.
Car en effet, le jeu est plus complexe que ce qu'il nous laisse accroire au premier abord. Une fois la surprise initiale passée, après avoir contemplé quelques secondes notre écran en cherchant à confirmer si le jeu a bien eu l'outrecuidance de se fermer seul, on le relance pour s'apercevoir que le couloir est toujours là mais que l'expérience est légèrement différente. Similairement à la série des There is no Game, le joueur reçoit de l'hostilité de la part du jeu qui cherche à nous convaincre qu'il ne propose rien de plus qu'appuyer sur un bouton. A chaque fois qu'on presse le bouton, le jeu se ferme. A chaque fois qu'on relance le jeu, une expérience légèrement différente est proposée.
Mais contrairement à There is no Game, où on découvre au fur et à mesure le second degré du jeu, ici il n'y a réellement rien d'autre à faire que d'appuyer sur un bouton. Seule la façon de le faire change.
Le jeu interroge sur ce qui fait revenir le joueur, encore et encore, malgré l'absence de ludicité conventionnelle. Il va jusqu'à abuser des mécaniques artificielles d'allongement de la durée de jeu.
La forme du jeu change parfois drastiquement. Cela crée une surprise agréable qui rompt la monotonie visuelle mais le but est toujours d'appuyer sur le même sempiternel bouton.
Direction artistique
Si vous espérez que je trouve quelque chose à dire dans cette section, c'est que vous n'avez pas compris le concept du jeu.
Public
Comme toute expérience méta-ludique, The Corridor plaira surtout à ceux qui questionnent ce média en tant qu'art. Mais je pense également qu'il y a moyen d'y faire jouer un ami pour le troller. 😈
There is no game : Wrong dimension
There is no game : Wrong dimension
Fiche d'identité
Date de parution : 6 août 2020
Développeur : Draw Me A Pixel (Pascal Cammisotto - KaMiZoTo)
Producteur : Draw Me A Pixel
Franchise : There is no game
Nationalité : Française 🇫🇷
Langue : Audio en anglais uniquement mais interface et sous-titres en 6 langues, dont le français
Prix : 12,99 €
Taille : 897 Mo
Durée de vie : une dizaine d'heures pour le 100%
Synopsis
Vous êtes un joueur qui essayez de jouer à un jeu mais celui-ci refuse de se lancer et essaie de vous convaincre qu'il n'est pas véritablement un jeu.
Un antagoniste mal-intentionné, M. Glitch, va perturber vos interactions et vous propulser, vous et le Jeu, dans une autre dimension, celle d'un autre jeu. Il vous faudra réussir à sortir de cette dimension puis passer par plusieurs autres dimensions afin d'enfin comprendre la raison pour laquelle le Jeu rejette sa propre existence avec autant de véhémence.
Et je parlerai pas des chapitres ultérieurs car la simple évocation de leur principe divulgacherait le plaisir et la surprise de leur découverte. Sachez simplement qu'ils se jouent à un niveau encore plus méta.
Analyse
Cinq ans après le succès de son concept de non-jeu dans There is no game : JAM édition 2015, Pascal Cammisotto revient avec un produit tout aussi inclassable mais beaucoup plus abouti.
Métaludicité
There is no game : Wrong dimension (Il n'y a pas de jeu : Mauvaise dimension) est un jeu qui se joue au niveau méta. Tout est prétexte à devenir une mécanique de jeu, l'interface devant régulièrement être malmenée afin d'ouvrir de nouvelles possibilités de jeu. Il est difficile de vous le montrer par des captures d'écran car la plupart vous révêleraient la solution de certaines énigmes.
La partie "jeu de rôle" commence avec un héros nommé "Héros" qui vit dans une cabane en forêt et a fait des choix capillaires discutables. Il doit sauver une princesse des griffes du terrible seigneur ténébreux. Si ces clichés vous font sourire, gardez à l'esprit que vous ne jouez pas à un jeu de rôle caricatural mais à un jeu méta qui se moque des codes vidéoludiques.
Ainsi, vous ne contrôlez pas le Héros. Vous êtes un simple spectateur des interactions entre le Héros et le Jeu (qui se fait passer pour la déesse du jeu de rôle). Votre rôle en tant que joueur est de faciliter la progression du Héros afin qu'il vous aide, presque malgré lui, à retrouver votre dimension.
Les mécaniques de jeu typique du jeu de rôle dont on devine la trace en ouvrant l'inventaire du Héros sont vite éclipsées par de nouvelles mécaniques qui sont la signature "There is no game" puisque l'interface a vocation a devenir partie intégrante de la solution à l'énigme.
Direction artistique
Toujours impeccablement pixellisé, le jeu ne manque pas de références à la version JAM 2015, surtout dans son chapitre d'ouverture.
L'humour est une composante essentielle de la narration. Comme pour Portal 1 & 2, c'est l'humour qui permet au titre de se démarquer et d'avoir une véritable identité artistique. Le rythme et la construction sont proches de ceux d'un sketch dans un spectacle vivant mais certains traits d'humour n'ont de sens et d'effets que parce qu'ils sont utilisés sur un support vidéoludique.
Par exemple, ce passage hilarant où les différentes versions du jeu se retrouvent mélangées et où chaque accent vient s'ajouter à la cacophonie ambiante.
La musique est à l'image du reste : modeste mais très efficace. On notera particulièrement les quelques chansons qui se sont pas en reste niveau humour et qui, à leur manière, participent à l'expérience méta.
Public
A mettre entre toutes les mains ! Ce jeu est hilarant et furieusement bien pensé. Ne croyez pas le Jeu quand il nie sa propre existence : c'est un vrai jeu et un des meilleurs auxquels il m'ait été donné de jouer.
Seul petit bémol : pas de doublage en français. Pour un jeu lyonnais, c'est un peu dommage.