Sokpop - Saison 1
Sokpop, c'est un collectif néerlandais fondé en 2017 sur la promesse de sortir deux jeux par mois. Comme les quatre développeurs travaillent indépendamment, chacun a donc deux mois pour sortir un jeu. C'est une contrainte qui exige une grande créativité mais qui implique également une finition parfois décevante. Sokpop c'est donc un mix du meilleur et du pire (avec beaucoup de pire quand même).
Nous allons nous intéresser ici à la première saison (chaque saison est composée de 8 jeux).
Fiche d'identité commune à chaque jeu de la Saison 1
Producteur : Sokpop Collective
Franchise : Sokpop
Nationalité : Néerlandaise 🇳🇱
Langue : Anglais (Interface)
Prix : 2,99 € par jeu (-25% sur le total si la saison est achetée en entier)
Bombini
Fiche d'identité
Développeur : Tom van den Boogaart
Date de parution : 17 janvier 2018
Taille : 49,72 Mo
Durée de vie : une demi-heure
Analyse
Vous êtes une abeille butineuse et votre but est de ramasser du pollen et de vous défendre contre les araignées. Petit jeu très rafraichissant.
jut
Fiche d'identité
Développeur : Ruben Naus
Date de parution : 17 janvier 2018
Taille : 54,94 Mo
Durée de vie : quelques heures, au gré de la fonction aléatoire
Analyse
Vous êtes un Golem de déchets dont le but est de nettoyer une plage sans relâche au fur et à mesure que les marées viennent déposer ce que la mer n'a pas souhaité retenir.
Bien que le principe soit extrêmement simple, j'ai éprouvé une certaine satisfaction apaisée à m'acquitter de ma tâche, tel Sisyphe qui se serait reconverti dans la filière recyclage. Certains déchets sont très communs. D'autres sont très rares et m'ont fait replonger en enfance, quand je trouvais des "trésors" avec mon grand-père en marchant le long d'une plage vendéenne.
Il est possible de se faire un couvre-chef avec certains déchets. Ici, je me donne des airs de saint-cyrien avec un casoar improvisé à partir d'un seau et d'algues rouges.
Dr. Umgebung's School of Life
Fiche d'identité
Développeur : Tijmen Tio
Date de parution : 31 janvier 2018
Taille : 10,6 Mo
Durée de vie : quelques heures
Analyse
Le but ici est de contrôler les paramètres d'un terrarium (température, humidité, etc.) afin de favoriser l'émergence de vie végétale et animale. Si le concept est intéressant et pédagogique, les crashs à répétition m'ont rapidement fait abandonner l'espoir de pouvoir un jour finir tous les objectifs.
J'ai réussi à créer quelques plantes et de tout petits insectes.
New Colony
Fiche d'identité
Développeur : Aran Koning
Date de parution : 14 février 2018
Taille : 75,16 Mo
Durée de vie : 15 min
Analyse
Le simulateur de fourmilière fait partie des idées de jeu qui trottent dans ma tête depuis de nombreuses années, sans doute influencée par la trilogie des Fourmis de Bernard Werber. Il y a tous les ingrédients potentiels d'un bon jeu (survie, gestion, combat, exploration, construction, etc.).
De tous ces excellents ingrédients, New Colony n'en retient aucun. Plutôt que de gérer une colonie, le but est de réaliser un rituel démoniaque pour invoquer d'autres fourmis (sic). Les contrôles, les collisions et la recherche de chemin sont bancals. Bref, une déception.
King of the Sandcastle
Fiche d'identité
Développeur : Tijmen Tio
Date de parution : 28 février 2018
Taille : 33,41 Mo
Durée de vie : une cinquantaine d'heures
Analyse
UNE CINQUANTAINE D'HEURES ??? Je n'arrive pas à croire que j'ai passé autant de temps de ma vie sur ce jeu à la ludicité plus que limitée. Pourquoi me suis-je infligé cette torture ? J'avoue avoir moi-même du mal à me l'expliquer. Si je devais tenter une explication, je dirais que mon acharnement tient en trois points :
- J'essaye toujours d'user un jeu jusqu'à la moelle, quelque soit sa qualité. Cela tient à la fois à mon profil de joueur syllogomane mais également à ma volonté de ne pas passer à côté d'un aspect du jeu avant d'en parler ici.
- Comme tous les jeux Sokpop, le jeu a été programmé dans un délai très court et n'est pas exempt de failles. Trouver et exploiter ces dernières a été une grande satisfaction et m'a permis de raccourcir ou de faciliter certaines phases de pexage.
- Enfin, je dois confesser un péché d'orgueil. Je n'ai jamais eu ni le talent ni la patience de me hisser très haut dans les classements vidéoludiques mondiaux. La perspective d'être, à un moment de ma vie, le numéro 1 mondial, le "Prince" dans son sens étymologique, a été un moteur important. La gloire est à l'échelle du jeu (c'est à dire modeste) mais de combien de jeux pouvez-vous en dire autant ?
Le principe du jeu est simple : il faut acheter des créatures pour les faire combattre dans les cinq différents niveaux du Château de Sable. Il s'agit de combats asynchrones puisque vous affrontez les créatures perdues par les autres joueurs et contrôlées depuis par l'esprit du Château. Lorsque vous aurez vaincu le tenant du titre dans tous les niveaux, vous recevrez la clé de la Salle du Trône et pourrez défier le Roi lui-même pour prendre sa place.
Exploitation des failles
- Première faille, que j'ai découvert par hasard et que j'ai pu exploiter pour me faire de l'argent facile : lorsqu'on vend une carte de boss, elle est remplacée par la prochaine carte achetée. Il suffit alors d'acquérir une carte "Worm" (Ver de Terre) gratuitement et de répéter l'opération autant de fois que désiré. Une carte de boss a pour valeur minimum 101 coquillages jaunes donc répéter l'opération 100 fois vous permettra de vous asseoir sur un confortable pactole de plus de 10 000 coquillages jaunes. Malheureusement, les cartes les plus efficaces demandent aussi de dépenser des coquillages rouges et bleus qu'il m'a fallu acquérir de manière légitime.
- Seconde faille : dans chaque niveau, les salles 2, 6 et 9 permettent de se soigner légèrement à chaque passage et les salles 4 et 8 sont des salles au trésor qui permettent de récupérer un trésor au premier passage. La meilleure salle pour pexer est donc la 7e puisqu'en cas de petit bobo, reculer jusqu'à la salle 6 permet de se soigner et en cas de gros bobo, il est possible de faire des allers-retours entre les salles 8 et 9 jusqu'à guérison complète.
- Troisième faille : il n'est pas possible de fuir un combat mais si le jeu est fermé pendant un combat, nous recommençons depuis le Rivage ("Shore") en ayant perdu tous les point d'expérience acquis lors de la tentative précédente. L'alternative étant la perte définitive de notre combattant, le choix est vite fait. Cerise sur le gâteau, le butin trouvé dans les coffres lors de la précédente tentative n'est, quant à lui, pas perdu.
Presqu'aussi satisfaisant que le code motherlode des Sims.
Après cinquante heures d'âpres combats, le roi sanglier devient le 26e roi du Château de Sable.
moeras
Fiche d'identité
Développeur : Tom van den Boogaart
Date de parution : 14 mars 2018
Taille : 66,85 Mo
Durée de vie : 2 minutes pour finir le jeu, 2 heures pour le 100%
Analyse
"moeras" signifie "marais" en néerlandais. Vous incarnez un archer, gardien d'une bande de terre marécageuse coincée entre une plage et une muraille au pied de laquelle des armées entières sont venues s'écraser sans succès. Vous êtes la dernière âme qui vive dans ce bourbier gris mais vous n'êtes pas seul. Une bête immense erre sur le champ de bataille. Il vous faudra la trouver et l'abattre.
Le jeu est fade et sans aucun intérêt. Graphiquement et ludiquement, j'aurais préféré lancer une disquette Atari.
dino game
Fiche d'identité
Développeur : Ruben Naus
Date de parution : 18 mars 2018
Taille : 3,58 Mo
Durée de vie : une dizaine de minutes
Analyse
dino game est un petit jeu sans prétention où le but est de remonter dans le vaisseau spatial duquel vous êtes tombé. Il existe trois manières de le faire donc il faut explorer le petit monde qui s'offre à nous et essayer de combiner les objets entre eux pour fabriquer des objets.
Les commandes ne sont pas évidentes car il faut maintenir X pour tenir un objet puis appuyer sur Z pour l'utiliser. Il faut également gérer l'endurance et les ressources naturelles limitées.
Point positif : les dinos sont mignons et il n'est pas possible de leur faire mal.
driftwood
Fiche d'identité
Développeur : Aran Koning
Date de parution : 11 avril 2018
Taille : 162,27 Mo
Durée de vie : une dizaine de minutes
Analyse
driftwood n'est pas un jeu, c'est un exercice de première année de DUT info qu'il est honteux de vendre 3€.
Nous marchons le long d'une plage de la Mer du nord en soliloquant occasionnellement.
Seul point intéressant : le paysage sonore est plutôt réussi et se développe progressivement au cours de notre exploration.
Conclusion
Le fil rouge de cette saison 1 était de toute évidence la plage, les réalisations sont de qualité très inégale mais on retiendra :
- King of the Sanscastle : peu de jeux à 3 € peuvent se vanter de m'avoir retenu cinquante heures.
- jut : pour la madeleine de Proust.
- (ex-aequo) Bombini et dino games : parce qu'ils sont chous.
Sable
Sable
Fiche d'identité
Date de parution : 23 septembre 2021
Développeur : Shedworks
Éditeur : Raw Fury
Nationalité : 🇬🇧
Langue : Sept langues dont le français
Prix : 24,99 €
Taille : 2,11 Go
Durée de vie : une trentaine d'heures pour le 100% mais il est possible de choisir de finir le jeu au bout d'une heure
Synopsis
Vous êtes Sable, une jeune personne adolescente du clan des Ibexi, arrivée à l'âge où iel doit réaliser sa quête initiatique de passage à l'âge adulte et quitter sa famille pour parcourir le monde et trouver sa voie.
Sur la planète Midden, tout le monde porte un masque qui définit son rôle social. Le but de la quête initiatique est de trouver le masque que l'on portera tout au long de notre vie d'adulte. C'est un moment particulier de la vie où le futur adulte bénéficie, le temps de sa quête uniquement, des technologies les plus avancées, notamment un véhicule rapide et un champ de force permettant de planer et d'éviter tout dégât de chute.
Au delà de ces aspects matériels, la société tout entière est chargée d'aider les adolescents à choisir leur vie future, par exemple en leur confiant des petites quêtes en lien avec leur métier, permettant ainsi aux novices de tester une potentielle carrière. Si l'on rend service à une personne, elle peut nous donner un insigne de masque et obtenir trois insignes d'un même masque permet de le faire forger. À partir du premier masque forgé, il est possible de mettre fin à sa quête initiatique en choisissant la carrière correspondante.
Analyse
Ludicité
Au fur et à mesure de la construction de ma culture vidéo ludique, je me suis aperçu que j'avais de plus en plus de mal à tolérer les mondes ouverts, saturant de quêtes futiles le héros censé sauvé l'univers. Dans Sable, rien de tout ça. Déjà, il n'est pas question de sauver l'univers. Ensuite, papillonner de quête en quête se justifie diégétiquement puisque le but de votre quête est de découvrir un maximum de choses vous permettant de choisir votre voie en toute connaissance de cause. C'est un chemin initiatique d'un jeune lambda et non un voyage de héros.
Aucune quête de métier n'est obligatoire. Libre à vous d'arrêter votre exploration au premier masque qui vous plaira ou de tester toutes les possibilités avant de choisir un masque pour le reste de votre vie. La cérémonie de choix du masque aura pour conséquence l'abandon de votre véhicule et de votre capacité de planer, au profit du prochain novice. Il faut donc bien réfléchir avant de faire un choix. Ce questionnement nous accompagne tout au long du jeu. Et plus on débloque d'options, plus cela devient difficile de choisir. Mais en même temps, il est tentant de prolonger au maximum l'expérience afin d'être certain de n'avoir rien raté et de faire le bon choix.
À votre avis, qu'est-ce qu'un complétioniste en stade terminal comme moi a choisi de faire ?
Je pense que la moitié de mon temps de jeu a servi à obtenir ce masque et cette panoplie. Pourtant j'ai fini par choisir un des masques les plus basiques. Selon moi, le choix le plus libre est celui qui a le plus grand nombre d'options. C'est la leçon que j'ai retenue à l'issue de ma quête initiatique.
Un regret cependant : certains masques ne sont pas obtenables et j'aurais aimé continuer l'aventure afin d'avoir encore plus de choix possibles (chercheur, médecin, chasseur, souffleur de verre, conteur, prêtre de l'atome, chasseur de têtes, etc.).
Direction artistique
Les quelques captures d'écran précédentes ont pu vous donner un aperçu des graphiques très particuliers de Sable, pour lesquels l'héritage artistique des bandes dessinées de Mœbius (de son vrai nom Jean Giraud) est revendiqué par les développeurs. Star Wars épisode VII : Le réveil de la Force et les films des studios Ghibli ont également été des sources d'inspiration.
Fasciné depuis mon adolescence par le travail de Mœbius, j'ai toujours ressenti de la frustration face au manque d'adaptations vidéoludiques tant le trait est magnifique. Ce jeu vient donc combler une frustration de plus de vingt ans. La direction artistique est une claque permanente. Maintenant, tu te tais et tu admires. Pas besoin de commentaires.
La bande son est signée Japanese Breakfast, un groupe d'Indie-pop américain fondé par l'artiste Michelle Zauner. Si certains morceaux sont chantés, il s'agit principalement ici de musiques d'ambiance qui accompagnent parfaitement notre exploration.
En revanche, s'il faut être totalement honnête, le jeu est quand même pas mal beugué. Deux ans après la sortie, on aurait aimé qu'un correctif vienne corriger cela. Heureusement, fermer et relancer le jeu a suffit à corriger tous les beugs rencontrés.
Public
Le jeu est classé PEGI 3 en Europe et ESRB Everyone 10+ aux États-Unis (en raison, je pense, d'une allusion à des champignons qui permettent de se détendre). Il n'y a aucun combat dans Sable, ni même aucune violence, ce qui en fait un jeu parfait pour initier vos enfants à ce style de jeu.
Le thème du passage à l'âge adulte et du choix de sa vocation en font un jeu parfait pour les jeunes adolescents malmenés par Parcoursup et les choix de vie que la société leur impose de faire de plus en plus jeunes.
The Procession to Calvary
Fiche d'identité
Date de parution : 9 avril 2020
Développeur : Joe Richardson
Éditeur : SUPERHOT PRESENTS
Franchise : The Immortal John Triptych
Nationalité : 🏴
Langue : Français et 4 autres langues
Prix : 4,04 €
Taille : 1,34 Go
Durée de vie : Quelques heures
Synopsis
Vous êtes la réincarnation de Bellona, la déesse de la guerre. À la fin de la guerre civile qui a permis de chasser le tyran local, le nouveau roi interdit le meurtre. Ce monde en paix contrarie beaucoup notre guerrière qui décide de trouver une alternative lui permettant d'assouvir sa soif de meurtre.
Analyse
Ludicité
Le jeu vidéo en tant qu'Art emprunte souvent à des Muses plus anciennes. Ici l'emprunt est tout sauf discret puisque Joe Richardson prend directement des extraits de toiles de maitres et les réorganise dans des patchworks à l'humour corrosif et absurde que d'aucuns n'hésitent pas à comparer aux Monty Python. Et c'est pour ça que cela marche : l'enchainement de scènes et de personnages de la culture picturale populaire donne lieu à des situations toujours plus cocasses et déjantées.
En dehors de ce décalage entre un aspect graphique ultra-classique et un humour iconoclaste, il s'agit d'un jeu de pointer et cliquer, banal mais agréable, qui devrait vous occuper le temps d'une soirée.
Chaque personnage est issu d'une peinture classique, ici le bibliothécaire de Giuseppe Arcimboldo joue le rôle de ... bibliothécaire ! Pas vraiment un rôle de composition.
Même les moins cultivés d'entre vous auront reconnu la "Jeune Fille à la perle" de Johannes Vermeer.
Direction artistique
Le musée nous permet d'admirer une partie des œuvres qui ont servi de base au jeu. Double mise en abîme : le tableau "Apelle peignant Campaspe", au 1er plan, est lui même la peinture d'une galerie d'art.
Public
Le jeu est très violent (exécutions brutales, effusions de sang, suicides, tortures). Il est donc à réserver à un public averti. L'humour noir et les références culturelles parfois obscures enferment de toutes façons le jeu dans une niche très spécifique.
Par ailleurs, le détournement blasphématoire d'œuvres religieuses, parfois de manière scabreuse ou violente, est de nature à choquer les croyants chrétiens, en particulier les catholiques romains et les réformés luthériens. On ne peut que déplorer cette volonté d'exutoire anticlérical.
Outer Wilds
Outer Wilds
Mise en garde
A titre liminaire, précisons qu'Outer Wilds fait partie de ces jeux pour lesquels le moindre divulgâchage peut ternir irrémédiablement l'expérience de jeu. Je vous enjoins donc d'y jouer en aveugle, autant que faire se peut.
Toutefois, si vous n'êtes pas du genre à dépenser de l'argent les yeux fermés, je vais tenter de vous faire toucher du doigt la singularité savoureuse de ce jeu sans trop en dire ni en montrer.
Fiche d'identité
Date de parution : 18 juin 2020
Développeur : Mobius Digital
Éditeur : Annapurna Interactive
Nationalité : 🇺🇸
Langue : 13 langues dont le français
Prix : 22,99€ (Contenu additionnel à 13,99€)
Taille : 10,86 Go
Durée de vie : Plusieurs dizaines d'heures
Synopsis
Vous êtes un jeune astronaute âtrien sur le point de réaliser son premier vol spatial.
Les âtriens sont une race humanoïde possédant quatre yeux et des grandes oreilles pointues. Ils sont curieux et avides d'aventures spatiales.
Je ne veux évidemment pas trop développer cette section mais si vous avez jamais rêvé de faire partie des pionniers de la conquête spatiale, cette expérience vidéoludique devrait vous remuer. Combien d'entre nous auraient aimé être témoins des premiers pas d'Amstrong et d'Aldrin sur la Lune en direct à la télévision ? Combien aimeraient un jour voir un lever de Soleil sur Mars ou un lever de Terre sur la Lune ? Combien d'entre vous souffrent d'être nés trop tard pour la conquête de notre satellite et trop tôt pour celle du reste de notre Système solaire ?
Outer Wilds soigne cette blessure là. En nous plongeant dans un univers où les lois physiques paraissent familières tout en étant surprenantes, en nous faisant découvrir les mystères d'une civilisation ancienne qui a précédé la nôtre, en nous proposant le bon dosage d'émerveillement devant le sublime et de frayeur devant l'inconnu.
Drapeau du programme Odyssée trouvé sur un satellite rocheux. Les complotistes diront que la capture d'écran a été prise par Stanley Kubrick et qu'on n'a jamais vraiment marché sur ce satellite.
Beaucoup ressortent profondément émus de cette expérience. Certains ont pleuré, certains sont restés des jours sans pouvoir jouer à autre chose, la plupart sont entrés dans une sorte de croisade évangélique, se transformant en apôtres fanatiques ayant juré de ne pas trouver le repos tant que la Terre entière n'aura pas goûté la quintessence ludique. À mon tour, modeste moine de l'internet, je propage la bonne parole.
Analyse
Ludicité
Après un début aussi dithyrambique, je veux commencer mon analyse ludique par ce qui sera certainement vu comme une hérésie par les ayatollahs de l'œuvre. Pardonnez-moi mes frères pour le blasphème que je vais énoncer.
Je déteste la mécanique principale du jeu. De tout mon être. Elle a failli me faire abandonner plusieurs fois. Je confesse éprouver une rancœur tenace contre les jeux qui se servent de cette mécanique comme d'une augmentation artificielle de leur durée de vie.
Assez rapidement en effet, notre explorateur se rend compte qu'il est prisonnier d'une boucle temporelle. SEIGNEUR, QUE CETTE MÉCANIQUE EST HORRIPILANTE !!! 🤬🤬🤬
Alors oui, la boucle temporelle est ultra-diégétique. C'est le cœur même du récit. Mais l'expérience de jeu a été sacrifiée sur l'autel de la cohérence narrative. C'est un parti pris artistique mais je reste convaincu qu'il existait des artifices tout aussi diégétiques qui auraient pu corriger ce défaut et nous éviter bien des frustrations.
Chaque début de boucle est laborieusement identique, chaque nouveau lieu à explorer nous demande de recommencer septante-et-sept fois la boucle, parfois uniquement pour aller lire la dernière ligne du dernier texte caché dans le lieu le plus difficilement accessible d'une planète hostile.
Heureusement que l'excitation de la découverte et la satisfaction de percer les mystères de l'univers les uns après les autres compensent la frustration liée à la boucle temporelle. Le jeu n'est pas avare en épiphanies cosmiques qui se répercutent en centaines de micro-révélations satisfaisantes alors que tout finit par s'emboiter parfaitement. L'attention extrême portée aux plus infimes détails a en effet pour conséquence que le moindre d'entre eux, soit participe à la découverte d'un mystère, soit vient parfaire sa compréhension.
Et c'est peut-être là qu'on touche au génie de ce jeu : il y a tellement de façons de découvrir la solution d'une énigme qu'il est impossible de toutes les expérimenter directement. Et la nature du jeu rend sa rejouabilité mauvaise. Voir un autre joueur résoudre l'énigme devient donc le seul moyen de revivre cette satisfaction. Je crois que cela explique en grande partie le prosélytisme très agressif des joueurs vétérans car ils ont besoin de confronter leur expérience de jeu à d'autres afin de la compléter.
C'est la première fois que je passe autant de temps à regarder d'autres joueurs jouer à un jeu que j'ai déjà fini. Je pense même avoir plus de temps de visionnage que de temps de jeu. J'ai enchainé les diffusions en direct, les rediffusions, les montages des meilleurs moments. En français et en anglais. Toujours avec la même joie. La joie de voir comment d'autres sont parvenus aux mêmes conclusions que moi, avec un parcours identique ou complètement différent. Certains ont compris tout de suite ce qui m'a pris des jours à appréhender. Certains, parfois les mêmes, ont buté pendant une éternité sur des problèmes qui me paraissaient limpides. En bref, ce n'est pas un jeu qui se rejoue, c'est un jeu qui se partage.
Cette statue représente un membre de la civilisation ancienne qui nous a précédé, les Nomaïs. Cette civilisation a disparu sans que nous sachions pourquoi en nous laissant des technologies très avancées. L'archéologie s'ajoute donc à l'exploration spatiale et lui donne un but.
Direction artistique
Tout est simplement parfait. Rien à dire. Graphiquement, musicalement, scénaristiquement. Le jeu a été poli pendant des années par une équipe de passionnés dont l'attention aux détails est inégalée dans ma mémoire pluri-décennale d'amateur de la chose ludique. Le moindre grain de sable, la moindre ombre, la moindre variation gravitationnelle est cohérente avec les règles de cet univers de poche.
Chaque corps céleste (soleil, planète, satellite, comète, etc.) a une atmosphère singulière, génère une peur spécifique et possède sa propre histoire qui s'entremêle avec les autres pour former un tout ultra-cohérent.
L'univers d'Outer Wilds est parfaitement ouvert, vous pouvez aller partout dès votre première boucle temporelle. Vous pouvez même théoriquement finir le jeu en dix minutes. Pas de compétences à débloquer, pas d'artefacts à récupérer. Les seuls verrous ludiques sont liés à votre compréhension de l'univers. L'exploration et la déduction sont donc vos seules clés. Par où commencerez-vous ?
Contenu additionnel : Echoes of the Eye
Saluons d'abord la manière très intelligente d'avoir su intégrer diégétiquement un nouveau lieu dans un univers qui semblait ne plus avoir de secrets. Physiquement et narrativement, ce contenu additionnel apporte une pièce à un puzzle qui ne semblait pas en avoir besoin.
Malheureusement le principal défaut du jeu est ici renforcé : chaque début de boucle étant plus long et répétitif que dans le jeu de base puisque la nouvelle destination est distante et unique. Auparavant, le foisonnement de choses à faire dans des destinations variées compensait un peu la frustration de la redondance. Ici, il n'en est rien. Chaque début de boucle pousse donc un peu plus le joueur à abandonner, ce qui serait très dommage.
Autre défaut selon moi, l'ambiance du jeu s'assombrit drastiquement et se rapproche du jeu d'horreur pur et simple. À tel point qu'un réglage a été ajouté pour limiter certains aspects effrayants. L'existence même de ce réglage déclenche des réflexes phobophobes chez les joueurs qui ne sont pas des aficionados du genre. Quand on a été habitués à découvrir les joyeux petits fragments de vie des Nomaïs, ça change.
La mécanique principale du contenu additionnel joue sur la lumière et l'obscurité. Et quand je parle d'obscurité, je ne parle pas de la pénombre où on peut tricher en bidouillant un peu le gamma dans les paramètres vidéos. Nan. Une vraie obscurité bien noire. Le genre d'obscurité qu'il y avait sous ton lit d'enfant. Le genre d'obscurité avec laquelle tu faisais la course après avoir éteint la dernière lumière du rez-de-chaussée. Le genre d'obscurité qu'il y avait au fond du jardin de tes parents, lors des nuits sans lune.
Même si je le trouve moins bon que le jeu de base en raison des points évoqués ci-dessus, je pense néanmoins que Echoes of the Eye offre une expérience de jeu très forte qui justifie amplement l'investissement. Mais qu'il fait peur, b*rdel ! 😱😱😱
Public
Le jeu est classé ESRB E10+ et PEGI 7 mais je déconseille de faire jouer les plus jeunes sur le contenu additionnel, particulièrement effrayant.
Chaque lieu peut générer des angoisses particulières, si vous avez une des phobies suivantes, certains passages pourraient être très difficiles pour vous : astrophobie, apéirophobie, thalassophobie, aquaphobie, claustrophobie, acrophobie, nyctophobie, phobophobie.
Underland: The Climb
Underland: The Climb
Fiche d'identité
Date de parution : 23 avril 2021
Développeur : Minicactus Games (Cleiton Machado)
Éditeur : Minicactus Games
Nationalité : Brésil 🇧🇷
Langue : Anglais uniquement
Prix : 1,59 €
Taille : 98,77 Mo
Durée de vie : environ deux heures
Synopsis
Vous êtes Ivy, seule survivante humaine de l'invasion d'Underland par des forces extra-terrestres possédant moult tentacules. Vous devez vous échapper vers la surface et détruire ce qui reste de la cité enterrée.
Le premier opus de la série était si douloureux à terminer que je ne résiste pas au plaisir sadique de ne pas vous en divulgâcher la conclusion : les plus curieux n'auront qu'à souffrir pour assouvir ce vilain défaut qui est le leur. Je n'en dirais pas plus sinon que le scénario n'est pas non plus le point fort du second opus.
Analyse
Ludicité
Lorsque j'ai fini Underland, je me suis promis de ne plus jamais y toucher. Alors, quand la suite est sortie, vous vous doutez bien que votre serviteur a longuement hésité.
Je l'ai finalement acheté, en soldes, plusieurs mois après sa sortie. Après tout, ne devrions-nous pas tous avoir le droit à une seconde chance ?
Grand bien m'en a pris car presque tous les défauts du premier opus ont été corrigés. Si Underland: The Climb ne révolutionne pas le genre, il est agréable à jouer et offre un défi qu'il est gratifiant de relever. On se prend à regretter que son grand frère n'ait pas bénéficié de quelques mois de développement en plus.
Liste des défauts corrigés :
- Difficulté : à part les deux premiers niveaux tutoriels, les énigmes sont d'un niveau correct.
Niveau 1 : ça casse pas trois pattes à un canard mais c'est déjà mieux que la plupart des énigmes du précédent opus.
- Plates-formes mobiles : les soucis de collision ont été réglés.
Notons l'apparition d'une nouvelle mécanique de jeu : certaines plate-formes ne peuvent se déplacer qu'une seule fois. Il faut donc bien réfléchir à l'ordre et au point d'arrêt des différents mouvements.
- Pixels mortels invisibles : l'acide ne vous tue plus s'il est présent en très faible quantité.
- Les deux ravis de la crèche : ils ont été remplacés par Ivy, bon débarras !
La présence d'ennemis dans certains niveaux permet toutefois de proposer des énigmes où Ivy n'est pas la seule à activer des interrupteurs. Ici, l'énigme que j'ai le plus appréciée, pour son élégance.
Parmi les défauts restants, on peut lister une physique des fluides parfois déconcertante et une évolution en dents de scie de la difficulté des niveaux mais globalement cela ne gâche pas l'expérience de jeu.
Direction artistique
Là où le premier opus avait fait le choix d'un monochrome vert, le second est dominé par le violet. Peut-être une conséquence du changement de protagoniste (les masochistes qui ont fini le premier comprendront) ou alors simplement afin d'asseoir une identité graphique distincte entre les deux jeux.
La bande-son est signée John Leonard French, un jeune compositeur britannique. La musique est minimaliste et menaçante, dans la veine de celle du premier opus.
Public
Le jeu aborde de manière très superficielle et hypothétique la question de la fin de l'Humanité. Il ne nécessite pas de caveats particuliers mais les plus jeunes pourraient être rebutés par la prise en main.
Les énigmes sont abordables pour tout public et pourraient donc laisser les habitués du genre sur leur faim.