Outer Wilds
Outer Wilds
Mise en garde
A titre liminaire, précisons qu'Outer Wilds fait partie de ces jeux pour lesquels le moindre divulgâchage peut ternir irrémédiablement l'expérience de jeu. Je vous enjoins donc d'y jouer en aveugle, autant que faire se peut.
Toutefois, si vous n'êtes pas du genre à dépenser de l'argent les yeux fermés, je vais tenter de vous faire toucher du doigt la singularité savoureuse de ce jeu sans trop en dire ni en montrer.
Fiche d'identité
Date de parution : 18 juin 2020
Développeur : Mobius Digital
Éditeur : Annapurna Interactive
Nationalité : 🇺🇸
Langue : 13 langues dont le français
Prix : 22,99€ (Contenu additionnel à 13,99€)
Taille : 10,86 Go
Durée de vie : Plusieurs dizaines d'heures
Synopsis
Vous êtes un jeune astronaute âtrien sur le point de réaliser son premier vol spatial.
Les âtriens sont une race humanoïde possédant quatre yeux et des grandes oreilles pointues. Ils sont curieux et avides d'aventures spatiales.
Je ne veux évidemment pas trop développer cette section mais si vous avez jamais rêvé de faire partie des pionniers de la conquête spatiale, cette expérience vidéoludique devrait vous remuer. Combien d'entre nous auraient aimé être témoins des premiers pas d'Amstrong et d'Aldrin sur la Lune en direct à la télévision ? Combien aimeraient un jour voir un lever de Soleil sur Mars ou un lever de Terre sur la Lune ? Combien d'entre vous souffrent d'être nés trop tard pour la conquête de notre satellite et trop tôt pour celle du reste de notre Système solaire ?
Outer Wilds soigne cette blessure là. En nous plongeant dans un univers où les lois physiques paraissent familières tout en étant surprenantes, en nous faisant découvrir les mystères d'une civilisation ancienne qui a précédé la nôtre, en nous proposant le bon dosage d'émerveillement devant le sublime et de frayeur devant l'inconnu.
Drapeau du programme Odyssée trouvé sur un satellite rocheux. Les complotistes diront que la capture d'écran a été prise par Stanley Kubrick et qu'on n'a jamais vraiment marché sur ce satellite.
Beaucoup ressortent profondément émus de cette expérience. Certains ont pleuré, certains sont restés des jours sans pouvoir jouer à autre chose, la plupart sont entrés dans une sorte de croisade évangélique, se transformant en apôtres fanatiques ayant juré de ne pas trouver le repos tant que la Terre entière n'aura pas goûté la quintessence ludique. À mon tour, modeste moine de l'internet, je propage la bonne parole.
Analyse
Ludicité
Après un début aussi dithyrambique, je veux commencer mon analyse ludique par ce qui sera certainement vu comme une hérésie par les ayatollahs de l'œuvre. Pardonnez-moi mes frères pour le blasphème que je vais énoncer.
Je déteste la mécanique principale du jeu. De tout mon être. Elle a failli me faire abandonner plusieurs fois. Je confesse éprouver une rancœur tenace contre les jeux qui se servent de cette mécanique comme d'une augmentation artificielle de leur durée de vie.
Assez rapidement en effet, notre explorateur se rend compte qu'il est prisonnier d'une boucle temporelle. SEIGNEUR, QUE CETTE MÉCANIQUE EST HORRIPILANTE !!! 🤬🤬🤬
Alors oui, la boucle temporelle est ultra-diégétique. C'est le cœur même du récit. Mais l'expérience de jeu a été sacrifiée sur l'autel de la cohérence narrative. C'est un parti pris artistique mais je reste convaincu qu'il existait des artifices tout aussi diégétiques qui auraient pu corriger ce défaut et nous éviter bien des frustrations.
Chaque début de boucle est laborieusement identique, chaque nouveau lieu à explorer nous demande de recommencer septante-et-sept fois la boucle, parfois uniquement pour aller lire la dernière ligne du dernier texte caché dans le lieu le plus difficilement accessible d'une planète hostile.
Heureusement que l'excitation de la découverte et la satisfaction de percer les mystères de l'univers les uns après les autres compensent la frustration liée à la boucle temporelle. Le jeu n'est pas avare en épiphanies cosmiques qui se répercutent en centaines de micro-révélations satisfaisantes alors que tout finit par s'emboiter parfaitement. L'attention extrême portée aux plus infimes détails a en effet pour conséquence que le moindre d'entre eux, soit participe à la découverte d'un mystère, soit vient parfaire sa compréhension.
Et c'est peut-être là qu'on touche au génie de ce jeu : il y a tellement de façons de découvrir la solution d'une énigme qu'il est impossible de toutes les expérimenter directement. Et la nature du jeu rend sa rejouabilité mauvaise. Voir un autre joueur résoudre l'énigme devient donc le seul moyen de revivre cette satisfaction. Je crois que cela explique en grande partie le prosélytisme très agressif des joueurs vétérans car ils ont besoin de confronter leur expérience de jeu à d'autres afin de la compléter.
C'est la première fois que je passe autant de temps à regarder d'autres joueurs jouer à un jeu que j'ai déjà fini. Je pense même avoir plus de temps de visionnage que de temps de jeu. J'ai enchainé les diffusions en direct, les rediffusions, les montages des meilleurs moments. En français et en anglais. Toujours avec la même joie. La joie de voir comment d'autres sont parvenus aux mêmes conclusions que moi, avec un parcours identique ou complètement différent. Certains ont compris tout de suite ce qui m'a pris des jours à appréhender. Certains, parfois les mêmes, ont buté pendant une éternité sur des problèmes qui me paraissaient limpides. En bref, ce n'est pas un jeu qui se rejoue, c'est un jeu qui se partage.
Cette statue représente un membre de la civilisation ancienne qui nous a précédé, les Nomaïs. Cette civilisation a disparu sans que nous sachions pourquoi en nous laissant des technologies très avancées. L'archéologie s'ajoute donc à l'exploration spatiale et lui donne un but.
Direction artistique
Tout est simplement parfait. Rien à dire. Graphiquement, musicalement, scénaristiquement. Le jeu a été poli pendant des années par une équipe de passionnés dont l'attention aux détails est inégalée dans ma mémoire pluri-décennale d'amateur de la chose ludique. Le moindre grain de sable, la moindre ombre, la moindre variation gravitationnelle est cohérente avec les règles de cet univers de poche.
Chaque corps céleste (soleil, planète, satellite, comète, etc.) a une atmosphère singulière, génère une peur spécifique et possède sa propre histoire qui s'entremêle avec les autres pour former un tout ultra-cohérent.
L'univers d'Outer Wilds est parfaitement ouvert, vous pouvez aller partout dès votre première boucle temporelle. Vous pouvez même théoriquement finir le jeu en dix minutes. Pas de compétences à débloquer, pas d'artefacts à récupérer. Les seuls verrous ludiques sont liés à votre compréhension de l'univers. L'exploration et la déduction sont donc vos seules clés. Par où commencerez-vous ?
Contenu additionnel : Echoes of the Eye
Saluons d'abord la manière très intelligente d'avoir su intégrer diégétiquement un nouveau lieu dans un univers qui semblait ne plus avoir de secrets. Physiquement et narrativement, ce contenu additionnel apporte une pièce à un puzzle qui ne semblait pas en avoir besoin.
Malheureusement le principal défaut du jeu est ici renforcé : chaque début de boucle étant plus long et répétitif que dans le jeu de base puisque la nouvelle destination est distante et unique. Auparavant, le foisonnement de choses à faire dans des destinations variées compensait un peu la frustration de la redondance. Ici, il n'en est rien. Chaque début de boucle pousse donc un peu plus le joueur à abandonner, ce qui serait très dommage.
Autre défaut selon moi, l'ambiance du jeu s'assombrit drastiquement et se rapproche du jeu d'horreur pur et simple. À tel point qu'un réglage a été ajouté pour limiter certains aspects effrayants. L'existence même de ce réglage déclenche des réflexes phobophobes chez les joueurs qui ne sont pas des aficionados du genre. Quand on a été habitués à découvrir les joyeux petits fragments de vie des Nomaïs, ça change.
La mécanique principale du contenu additionnel joue sur la lumière et l'obscurité. Et quand je parle d'obscurité, je ne parle pas de la pénombre où on peut tricher en bidouillant un peu le gamma dans les paramètres vidéos. Nan. Une vraie obscurité bien noire. Le genre d'obscurité qu'il y avait sous ton lit d'enfant. Le genre d'obscurité avec laquelle tu faisais la course après avoir éteint la dernière lumière du rez-de-chaussée. Le genre d'obscurité qu'il y avait au fond du jardin de tes parents, lors des nuits sans lune.
Même si je le trouve moins bon que le jeu de base en raison des points évoqués ci-dessus, je pense néanmoins que Echoes of the Eye offre une expérience de jeu très forte qui justifie amplement l'investissement. Mais qu'il fait peur, b*rdel ! 😱😱😱
Public
Le jeu est classé ESRB E10+ et PEGI 7 mais je déconseille de faire jouer les plus jeunes sur le contenu additionnel, particulièrement effrayant.
Chaque lieu peut générer des angoisses particulières, si vous avez une des phobies suivantes, certains passages pourraient être très difficiles pour vous : astrophobie, apéirophobie, thalassophobie, aquaphobie, claustrophobie, acrophobie, nyctophobie, phobophobie.