Finance
Island Saver
Island Saver
Fiche d'identité
Date de parution : 13 mai 2020
Développeur : Stormcloud Games Limited
Éditeur : National Westminster Bank plc
Nationalité : Britannique 🇬🇧
Langue : Interface en 6 langues dont le français
Prix : Jeu de base gratuit, deux extensions à 3,99 € chacune
Taille : 1Go
Durée de vie : une dizaine d'heure pour le jeu de base
Synopsis
Vous êtes un Bionaute en mission pour la National Westminster Bank. Votre mission est de nettoyer la pollution sur les îles Economes et de sauver les animaux qui y vivent.
Analyse
Le jeu se définit comme un jeu financier éducatif et écologiste. On touche directement le coeur du problème de ce jeu. C'est en réalité un outil de propagande ultralibéral en faveur des banques et qui vise un public jeune sous couvert d'écologie.
Liste des choses qui ne vont pas d'un point de vue éthique :
- Le logo de la banque (une vraie banque du monde réel) est présent partout dans le jeu. Ce n'est même plus du placement de produit à ce stade. C'est une publicité pure et simple. D'ailleurs, si ma critique ne leur plait pas, j'espère qu'il n'oublieront pas que c'est eux qui ont délibérémment choisi d'associer leur marque à cet étron vidéoludique.
- Notre équipement a une forme d'arme à feu alors que son but est d'aspirer ou de recracher des objets (déchets, fruits, doublons). Un outil comme on peut en trouver dans Luigi's Mansion ou Mario Sunshine aurait été plus adapté. Une symbolique inutilement violente. Cela serait moins gênant si le jeu ne s'adressait pas à des enfants.
- Certaines zones des îles sont accessibles uniquement si on les achète et les autochtones sont incapables de se débrouiller sans nous. Un petit relent de colonialisme, c'est ce qui manquait à l'éthique de ce jeu éducatif.
- La banque présente l'épargne bancaire comme le seul moyen de conserver son argent.
- Il existe une machine à taux de change qui fait qu'au pire le bionaute ne perd pas d'argent, au mieux il en gagne. C'est une incitation à la spéculation car cela masque totalement les risques liés à cette activité. Adressée à des enfants, c'est criminel ou ça devrait l'être.
- Peu importe l'argent amassé sur la première île, les deuxième et troisième îles nous mettent dans une situation où nous sommes obligés d'emprunter de l'argent à la banque. Enfin, il y a aussi la solution de l'usurier mais celui-ci pratique un taux de 150%. Pas la meilleure idée donc.
- Comme je suis taquin, je me suis mis volontairement en défaut de paiement. Cinq jours avant l'échéance de paiement, la banque m'envoie un rappel menaçant me disant que je subirais des pénalités si je ne paye pas. Ces pénalités n'étaient pas mentionnées lorsque j'ai souscrit le prêt. D'ailleurs, aucun avertissement n'était associé à cette souscription. Vous savez, le fameux "Un crédit vous engage et doit être remboursé." Peut-être que le droit britannique est différent du droit français sur ce point mais comme le jeu est accessible sans avertissement à des enfants français, j'estime que la NatWest est une banque malhonnête et qu'elle escroque des enfants dans ce jeu. Pour le côté éducatif, on repassera.
- La banque utilise un système de reconnaissance faciale pour nous authentifier. Sans que l'on ait donné notre accord. C'est une normalisation de l'utilisation de nos données personnelles. Par ailleurs, cette technologie est très intrusive et parfaitement superflue pour sécuriser un compte bancaire.
- A un moment, un mulet nous propose d'acheter un arbre à doublons. C'est évidemment une escroquerie et le jeu ne se prive pas de se moquer de nous sur un ton paternaliste. "Hahaha, l'argent ne pousse pas sur les arbres." Sauf qu'il existe une boutique de troc qui échange des fruits contre des doublons. Outre que c'est complètement con d'appeler ça du troc alors qu'il s'agit d'une vente classique contre monnaie sonnante et trébuchante, l'argent pousse vraiment sur les arbres puisqu'un fruit vaut toujours exactement un doublon. Où est passée la pseudo-morale ? Un peu de cohérence, ça vous étoufferait ?
Mais cela ne s'arrête pas là. Le peu d'écologie qu'il y a dans le jeu est en réalité de l'écoblanchiment :
- Les animaux sont en réalité des grosses tirelires qui doivent être nourries pour produire de l'argent, le jeu ne les qualifie pas d'animaux mais de "banquanimaux" (sic). Il est déplorable que la biodiversité soit associée à des notions de rentabilité et d'exploitation du monde animal.
- Tous les animaux mangent des fruits. Enfin ... les animaux carnivores mangent de la viande ... qui pousse sur des plantes ... Non seulement ça nie le principe de chaine alimentaire mais ça dissocie la viande de l'animal dont elle est issue. C'est plus facile de faire manger de la viande aux enfants lorsqu'on leur fait croire qu'elle pousse sur les arbres ... Contrairement à l'argent ... Vous suivez ?
- A aucun moment dans le jeu, la responsabilité des humains dans la pollution n'est abordée. En particulier la responsabilité des banques, de par leurs investissements, est opportunément mise sous le tapis.
Ludicité
Les mécaniques de jeu sont limitées mais tout à fait adaptées pour un jeune public.
Et c'est à peu près tout. Chaque île apporte de légers changements mais dans l'ensemble, les mécaniques de jeu sont très répétitives. Ennuyeuses même.
Direction artistique
Le jeu est simple et coloré. Tout à fait ce qu'on attend d'un jeu enfantin.
La musique est anecdotique et ne ferait pas tâche dans un ascenseur.
Public
Le public visé est clairement enfantin, les mécaniques de jeu paraitront vite inintéressantes pour un adulte. Cependant je refuse de mettre un tel outil de propagande dans les mains de mes enfants. Je déconseille fortement ce jeu.
J'avais pris ce jeu pour me détendre après Mini Metro. J'en suis ressorti furieux et déprimé.
Contenu additionnel
Avec de telles réserves, à la fois en matière de mécaniques de jeu et en terme d'intentions des producteurs, allé-je dépenser presque 8 € pour débloquer le contenu additionnel ? Evidemment que non. Renseignement pris, il semblerait que les mécaniques de jeu soient tristement identiques donc aucun regret.
Les bénéfices des contenus additionnels vont à deux organismes caritatifs :
- YoungMoney : une association ayant pour but d'initier les enfants à la finance, en partenariat avec plusieurs grands acteurs du monde de la finance, un cas évident de conflits d'intérêts (malaisant).
- Special Effect : une association ayant pour but d'aider les personnes handicapées à accéder aux jeux vidéos (enfin une intention louable ?).