Thanatologie
Arrog
Arrog
Fiche d'identité
Date de parution : 28 juillet 2020
Développeur : LEAP Game Studios (code) & Hermanos Magia (art)
Éditeur : indienova
Franchise : indienova
Nationalité : Péruvienne 🇵🇪
Langue : Interface et sous-titres en 13 langues, dont le français
Prix : 2,39 €
Taille : 940 Mo
Durée de vie : 30 minutes
Synopsis
Vous êtes un viel homme sur le point de mourir. Au crépuscule de votre vie, votre esprit vagabonde dans l'Au-delà mais finit par accepter sa finitude, consolé par l'idée de n'être finalement qu'un élément mortel mais participant d'un cycle éternel.
Analyse
Ludicité
L'intérêt du jeu réside avant tout dans sa poésie. Les mécaniques de jeu sont en effet très simples et les énigmes ne présentent aucune difficulté.
C'est donc un jeu qui ne vous demandera pas de dextérité, d'intelligence ou d'un autre talent particulier. En revanche, le jeu ne peut s'apprécier sans une certaine sensibilité. C'est un jeu qui se finit très vite mais qui pourtant demande de la patience pour l'apprécier et le comprendre. À la seconde lecture, j'avais déjà une vision différente, plus attendrie.
Direction artistique
Graphiquement, le jeu fait le choix d'un Noir & Blanc presque omniprésent, avec quelques rares touches de couleurs.
Les captures d'écran ne rendent pas justice au jeu car il s'en dégage une ambiance très particulière impossible à capturer à part sur certains tableaux comme ici peut-être ce phare situé dans l'Au-delà.
On comprend assez rapidement que cette dualité représente symboliquement d'un côté la matérialité, la vie terrestre et la mort et de l'autre la spiritualité et le passage de la mort à la réincarnation.
L'âme (ici en blanc) sort du corps (ici en noir) et se fait guider par l'âme d'un cabiaï dont on apprend par la suite qu'il fût une de nos proies lors d'une partie de chasse.
L'ensemble du clan, les vivants et les morts, s'est réuni pour célébrer la mémoire du défunt en musique.
Public
Le jeu aborde la thématique de la mort de manière imagée et poétique. Cependant, le cycle de la vie tel qu'il est proposé ici présente l'humain comme un prédateur qui tue et mange des animaux. Cette conception traditionnelle pourrait choquer le jeune public mais elle n'est au final qu'une variation sur le thème du cycle de la vie et de la mort.
Je conseille le jeu aux poètes et aux rêveurs.
Suicide Guy
Suicide Guy
Fiche d'identité
Date de parution : 14 juillet 2017
Développeur : Fabio Ferrara
Producteur : Chubby Pixel
Franchise : Chubby Pixel
Nationalité : Italienne 🇮🇹
Langue : Interface en 12 langues, dont le français
Prix : 4,99 €
Taille : 4 225 Mo
Durée de vie : 5 heures
Synopsis
Vous êtes un gros beauf caricatural qui s'est assoupi en laissant échapper de vos mains une bouteille de bière. Vous devez vous suicider dans vos rêves afin de vous forcez à vous réveiller pour rattraper votre boisson préférée à temps.
Analyse
J'ai détesté Suicide Guy sur pratiquement tous ses aspects. Pourtant le jeu connait un franc succès auprès des joueurs et de la critique, ce que je ne m'explique pas. J'ai acheté ce jeu car la présentation qui en était faite sur Steam était avantageuse et les critiques et commentaires étaient majoritairement laudatifs. Je dois avoir téléchargé une version Alpha par inadvertance peut-être parce que chaque heure de jeu a été douloureuse pour moi (mais je sers la science et c'est ma joie). J'ai regardé plusiers fois la date de sortie pour m'assurer ne pas être dans un épisode du Joueur du Grenier.
Ludicité
Une seule idée intéressante dans ce jeu : l'objectif classique de traverser plusieurs niveaux sans mourir est inversé puisqu'il faut ici résoudre une énigme dans chaque niveau afin de trouver le moyen de se donner la mort.
On a donc un jeu de plate-formes / énigmes qui aurait pu être très original si la réalisation n'était pas catastrophique.
Sur l'aspect énigmes, chaque niveau est une insulte à l'intelligence. Les niveaux sont linéaires et leurs mécaniques sont grossières. De plus, certains niveaux doivent être repris depuis le début si les étapes ne sont pas faites dans le bon ordre. Je pense que c'est dû au fait que même dans les rares niveaux qui ne sont pas totalement linéaires, la résolution de l'énigme est pensée comme un enchainement précis d'actions non commutatives.
Sur l'aspect plate-formes, les sauts sont d'une maniabilité révoltante pour un jeu de 2017 et le développeur a cru bon d'équilibrer ça par une capacité à rattraper les plate-formes si on tombe à côté mais la zone de rattrapage possible est tellement grande que ça en devient ridicule : si un pixel de ma tête est encore au dessus de la plateforme alors que j'allais tomber à côté, je peux quand même me hisser dessus. C'est à la fois frustrant (échec d'un saut en raison de la maniabilité) et non gratifiant (saut rattrapé quand même sans aucune forme de mérite). Ce choix va jusqu'à casser la mécanique de certains niveaux.
Ajoutons que la gachette droite sert à frapper et la gauche à roter mais qu'aucune énigme ne requière l'une ou l'autre de ces actions. Ce sont donc deux fonctionalités sans intérêt autre qu'accentuer la beaufitude de notre anti-héros.
Ce n'est qu'arrivé au niveau Jurassic Park que j'ai rencontré une énigme qui m'a donné du fil à retordre : impossible de trouver la solution même en testant toutes les interactions possibles. Je m'avoue vaincu et je regarde la solution sur le forum Steam, pestant contre ce soudain pic de difficulté et un peu honteux de ne pas avoir trouvé la solution seul au bout de plusieurs dizaines de minutes. QUEWAH ??? LA SOLUTION EST AUSSI CONNE QUE DANS LES AUTRES NIVEAUX MAIS IL Y A UN DYSFONCTIONNEMENT LOGICIEL DANS LA VERSION WINDOWS QUI EMPÊCHE SA RÉSOLUTION NORMALE ??? MAIS N*QUE TOI LE JEU !!! LES PIXELS DE TES MORTS !
Bon j'ai utilisé la solution alternative proposée dans le forum pour finir le niveau mais vous aurez compris que cela n'a fait que confirmer la piètre opinion que j'avais du jeu.
Je finirai ma diatribe en parlant de la physique du jeu. La physique est primordiale pour l'expérience de jeu, a fortiori quand on parle d'un jeu d'énigmes basées sur cette physique. Mais Suicide Guy doit être codé par un Shaddock platiste, je ne vois que ça comme explication.
La fenêtre est ouverte mais on ne peut rien jeter dehors hormis ce qui est expressement scrypté pour être jeté dehors car il y a une vitre invisible.
Il est possible de frapper l'oeuf à travers la vitre sans briser celle-ci. Oui car il n'y a qu'un objet possible pour casser cette vitre ... LOGIQUE !
Peut-être l'exemple le plus parlant : il faut utiliser les rayons du Soleil et la loupe afin d'allumer les feux d'artifices dans le frigo. Alors 1) Kamoulox et 2) QUE QUELQU'UN DONNE UN COURS D'OPTIQUE AU DÉVELOPPEUR ! Le point focal de la loupe fonctionne comme un laser, sans notions de distance !
Les esprits chagrins me diront que dans un monde onirique, les lois physiques sont abrogées. A ceux-là je répondrais qu'elles peuvent être abrogées au profit d'autres lois physiques mais à condition de savoir maintenir la suspension de l'incrédulité et pas uniquement pour servir des mécaniques mal pensées.
Un dernier exemple : ici la gravité est la mécanique principale de l'énigme. Pourtant seuls certains éléments influent sur la balance parce que sinon cela permettrait de résoudre l'énigme autrement. La vache ne pèse rien ici mais sera néanmoins utilisée comme projectile plus tard.
Direction artistique
Musiques insipides et effets sonores trop discrets. Graphiquement, c'est à peine du niveau d'une JAM, sans l'excuse de la contrainte de temps. Les quelques références à la culture populaire ne suffisent évidemment pas à sauver l'impression générale de vacuité qui se dégage du jeu.
Public
Bien que la description Steam indique irresponsablement que le jeu ne traite pas du suicide et de la dépression, le suicide reste la mécanique de jeu principale et le titre de l'œuvre essentialise même le protagoniste à cette pulsion mortifère.
En outre, certains passages peuvent se révêler angoissants pour les plus jeunes et certains niveaux obligent à causer de la souffrance animale alors que les mécaniques de jeu permettaient de s'en passer : c'est donc un véritable choix scénaristique. Ainsi, la potion magique d'un des niveaux utilise des animaux vivants que l'on sacrifie plutôt que des ingrédients alchimistes. C'est d'ailleurs plus un ragoût qu'une réelle potion magique au final ... Idem pour la vache d'un autre niveau qui doit être catapultée pour créer une ouverture dans le plafond de la grange : n'importe quel objet lourd aurait fait l'affaire, il n'était pas nécessaire de créer une mécanique de jeu qui implique de buter ce pauvre animal !
Je ne conseille donc ce jeu à personne, a fortiori pas aux personnes pour qui le suicide ou la condition animale sont des sujets sensibles.
Death and Taxes
Death and Taxes
Fiche d'identité
Date de parution : 20 février 2020
Développeur : Placeholder Gameworks
Producteur : Placeholder Gameworks
Franchise : Aucune
Nationalité : Estonie 🇪🇪
Langue : Anglais (interface, audio, sous-titres)
Prix : 11,99 € (Démo gratuite)
Taille : 2,3 Go
Durée de vie : 1h environ par partie, une vingtaine d'heures pour obtenir toutes les fins
Synopsis
Vous êtes Grim Reaper (La Faucheuse / L'Ankou). Vous avez été créé par votre patron, Fate (Le Destin), pour grossir les rangs de l'administration surnaturelle en charge des décès, dans le service s'occupant plus spécifiquement des humains adultes.
Notez que vous ne tuez personne : vous choisissez d'épargner certaines personnes mourantes et les autres meurent tout simplement parce que c'est ce que les mourants font. Subtil n'est-ce pas ? Comme votre patron vous l'expliquera si vous le questionnez : votre but est avant tout de conserver l'équilibre de l'univers, pour cela, il faut qu'un certain nombre d'humains meurent tandis que d'autres doivent survivre.
Analyse
Ludicité
Le titre fait référence à un célèbre aphorisme attribué, à tort, à Benjamin Franklin : "In this world nothing can be said to be certain, except death and taxes" (Dans ce monde, rien n'est certain sinon la mort et les taxes). Nous incarnons donc une Faucheuse employée de bureau, bien éloignée de la légendaire camarde arpentant les campagnes, juchée sur une charrette grinçante, en emportant les âmes des défunts. Notre vie professionnelle est aussi répétitive et ennuyeuse que celle d'un expert-comptable du Ministère des Finances.
La journée commence. Ascenseur. J'arrive au bureau. Je traite les dossiers du jour et les faxe au patron. Ascenseur. Je monte faire mon rapport quotidien. Ascenseur. Je descends faire mes courses chez Mortimer. Ascenseur. Je vais me coucher. Et ça recommence comme ça tous les jours de la semaine, puis du mois. On pourrait résumer ça par un "Ascenseur, boulot, dodo" répété ad nauseam.
Pour être honnête, l'aspect très administratif et très routinier m'a pas mal dérouté la première fois. J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans le jeu. Je m'attendais à un jeu proche de Papers, Please, avec des choix cornéliens lourds de conséquences et un impact émotionnel fort mais à aucun moment je n'ai senti de nécessité particulière à retenir une option plutôt qu'une autre dans le traitement de mes dossiers. Les conséquences de mes décisions se résumant à un entrefilet dans les actualités du lendemain, consultables sur mon téléphone professionnel. Aucun attachement aux personnes que je devais épargner ou achever. Ni empathie, ni sympathie pour ces mortels sans consistance.
J'ai fini le jeu une première fois avec une mauvaise fin, sans savoir vraiment pourquoi j'avais eu cette fin et sans avoir le sentiment que mes choix y étaient pour quelque chose. Cependant, j'avais la désagréable impression d'être passé à côté du sens du jeu et de son message.
J'ai donc récidivé et bien m'en a pris car c'est le genre de jeu qu'il faut refaire maintes fois pour en saisir la portée. Death and Taxes est un jeu proustien : il ne se joue pas, il se rejoue. On comprend dès la deuxième tentative que le jeu a été pensé pour être rejoué : les objets acquis dans les tentatives passées sont conservés et les informations obtenues débloquent de nouvelles options de réponses permettant, et c'est heureux, de raccourcir certains dialogues.
En rejouant, on saisit mieux la critique acerbe, presque kafkaïenne, de la bureaucratie défaillante :
- Les chefs n'expliquent pas tout, notamment le sens et l'utilité des tâches confiés, car ils méprisent leurs subalternes.
- Les règles sont floues et les manquements sont peu sanctionnés.
- Un chef ou un employé peuvent très bien servir leur intérêt personnel sans que cela ne soit sanctionné.
- Le salaire arrive parfois en retard. Certaines primes et augmentations sont accordées en fonction des résultats, d'autres en fonction de critères obscurs, probablement arbitraires.
- Le vocabulaire employé est volontairement technocratique et déshumanisant.
- Le politiquement correct est étouffant et inefficace.
- Les rapports quotidiens et les évaluations hebdomadaires font perdre un temps fou et n'ont aucune utilité.
- L'argent gagné est aussitôt investi dans des gadgets de bureau inutiles (en tout cas au premier abord) ou purement cosmétiques.
- Les technologies que l'administration utilise sont obsolètes.
Pour prendre un exemple plus précis : tous les pronoms des dossiers traités sont non-genrés. En anglais, "he" et "she" sont ainsi remplacés par "they". C'est grammaticalement correct depuis plusieurs siècles bien que peu usité et la raison invoquée par notre supérieur hiérarchique est d'éviter les discriminations fondées sur le genre. L'intention est louable mais la conséquence est une confusion fréquente pour savoir si l'on parle au singulier ou au pluriel. Lors de ma première tentative, cela m'avait particulièrement agacé.
Je ne suis pas le seul puisque la question revient souvent sur les forums. Un des développeurs a répondu que ce n'était pas une position politique mais faisait partie de l'expérience de jeu. Je comprends alors que cette règle, dans l'univers du jeu, est volontairement absurde puisque le principe même du métier de Faucheuse est de discriminer selon divers critères pour user de notre droit de vie ou de mort. Il est idiot de masquer le genre et l'origine ethnique puisqu'une photo et un nom sont présents dans tous les dossiers. C'est peut-être même pire puisque si une Faucheuse souhaite discriminer selon le genre, elle le fera selon l'expression de genre et non l'identité de genre.
Et c'est exactement la même chose pour l'origine ethnique : là aussi, le politiquement correct échoue à supprimer les possibilités de discrimination : la simple absence de mention de l'origine ethnique n'est pas suffisante puisqu'il y a une photo. Il y a aussi une multitude d'autres critères de discrimination, dont on peut questionner la légitimité, qui sont bien présents dans les dossiers : l'âge, la situation familiale, la profession, la spiritualité, la moralité, le casier judiciaire, etc.
Le jeu pose ainsi plusieurs questionnements et laisse le joueur expérimenter pour tenter de trouver sa réponse. Il y a une volonté assumée de ne pas nous donner les clés de compréhension tout de suite ce qui est frustrant dans un premier temps mais se révèle instructif et formateur sur le long terme, notamment quand les mécaniques de jeu deviennent plus claires.
- Quel est le rapport que nous entretenons à l'autorité ? Quid en cas de conflits d'autorités ?
- Quelle est notre définition du bien et du mal ? La fin justifie-t-elle les moyens ?
- Quels sont nos critères de discrimination ? Sont-ils moraux ? Utilitaristes ?
Direction artistique
Graphiquement, on est sur de la 2D aquarelle réalisée à la main avec une identité forte. Il est possible de débloquer de nombreux avatars qu'il est dommage de ne voir que très rarement en jeu.
La musique lors de l'utilisation de l'ascenseur est ... une musique d'ascenseur ... C'est de circonstance mais cela devient très vite horripilant tant elle est insipide. C'est le but et cela renforce d'autant plus le côté routinier : sur une journée, il faut a minima prendre trois fois l'ascenseur, sans compter les visites à la boutique de Mortimer, il y a vingt-huit jours par partie et vous allez faire énormément de parties si vous cherchez à débloquer toutes les fins possibles. Cette musique devient donc très vite insupportable. Les autres morceaux sont de bonne facture et plus agréables à l'oreille. Ils correspondent chacun à une pièce de l'immeuble.
Public
Le jeu aborde des thématiques complexes telles que la mort ou le suicide mais sans aucune violence graphique ou verbale. Il y a un bar dans l'immeuble où la consommation d'alcool est possible (et même indispensable pour certains trophées). Certaines images pourront choquer les plus jeunes (en dessous de 7 ans) et une bonne aisance dans la compréhension de la langue anglaise est recommandée.
Le jeu est plus un questionnement philosophique qu'une franche partie de rigolade donc si vous cherchez à vous détendre en rentrant du bureau, ce n'est clairement pas la bonne option. En revanche, si vous vous intéressez aux limites de ce qu'est un jeu vidéo et aux motivations qui nous poussent à faire nos choix, je vous conseille d'essayer ce jeu avec un esprit ouvert et beaucoup de patience. Voyez le plus comme un essai philosophique que comme un roman.
Contenu additionnel
Le 29 octobre 2020, le studio enrichit le jeu avec la mise à jour gratuite "Halloween". Il est regrettable que ce contenu n'ait pas été disponible dès la sortie du jeu car les mécaniques de jeu n'ont pas du tout été modifiées. En conséquence, elle force les personnes ayant déjà fini le jeu à refaire de (nombreuses) parties très similaires afin de débloquer le contenu additionnel.
En revanche, cette mise à jour étoffe l'expérience de jeu des nouveaux joueurs : elle ajoute le bar de l'immeuble (appelé Cerberus Den : l'antre de Cerbère) où il est possible de croiser sept nouveaux personnages. "Halloween" vient également avec son lot de cosmétiques et de trophées.
Remercions enfin les développeurs d'avoir modifié les conditions d'obtention du trophée "EGG". En effet avant le 20 juillet 2022, il fallait que les quatre statistiques invisibles du jeu soient égales entre elles : sachant que les valeurs des modificateurs sont elles aussi invisibles, cela rendait presque impossible l'obtention du trophée, même avec un des outils développés spécialement par les joueurs.