5 jeux qui n'en sont pas
Je m'interroge souvent sur les limites de la définition du jeu vidéo en tant que support artistique. L'art suscite l'émotion ou véhicule un message. Cette définition est donc forcément subjective puisqu'elle dépend des affects de chacun.
Mes autres articles portent sur des jeux que peut-être vous ne considérez pas personnellement comme des jeux, parce qu'ils n'ont suscité en vous que de l'indifférence ou parce que leur message vous a échappé. Pareillement, vous ne serez peut-être pas d'accord avec la liste que j'établis ici.
J'ai beaucoup hésité pour le premier de la liste mais ce dernier a beaucoup insisté pour y figurer.
There is no game : Jam Edition 2015
There is no game
Fiche d'identité
Date de parution : 25 juin 2015 (18 mars 2020 sur Steam)
Développeur : Draw Me A Pixel (KaMiZoTo)
Producteur : Draw Me A Pixel
Franchise : There is no game
Nationalité : Française 🇫🇷
Langue : Audio en anglais uniquement mais interface et sous-titres en anglais ou français
Prix : Gratuit
Taille : 99 Mo
Durée de vie : 10 minutes pour le finir, 30 minutes pour le 100%
Analyse
Le logiciel, qui a remporté la Jam Edition 2015, essaie de nous convaincre qu'il n'est pas un jeu. On pourrait le croire sur parole mais l'obstination du joueur pourrait aussi placer le logiciel face à ses contradictions ...
S'affranchissant entièrement du quatrième mur, ce non-jeu est truffé de références à la culture populaire et de traits d'humour adressés aux amateurs de la chose ludique.
Une version plus aboutie du concept est sortie en 2020 : l'analyse est disponible ici.
Don't kill the cow
Don't kill the cow
Fiche d'identité
Date de parution : 14 avril 2012
Développeur : James Earl Cox III
Producteur : James Earl Cox III
Franchise : 100 GAMES IN 5 YEARS
Nationalité : Américaine 🇺🇸
Langue : Interface > anglais
Prix : Gratuit
Taille : 27 Mo
Durée de vie : 5 minutes
Analyse
En 2012, James Earl Cox se lance dans un projet dont le but est de développer cent jeux en cinq ans. "Don't kill the cow" est l'un deux et a pour unique ambition de tester la docilité du joueur. Allons-nous épargner la vache simplement parce que le jeu nous le demande ?
Je trouve que la réalisation est bâclée et la réflexion philosophique sur le rapport du joueur à l'autorité aurait mérité un développement plus approfondi.
J'essaierai de jouer à d'autres jeux du projet 100 GAMES IN 5 YEARS pour voir si quelque chose se dégage de l'ensemble mais pris individuellement, "Don't kill the cow" ne présente aucun intérêt.
The Night Fisherman
The Night Fisherman
Fiche d'identité
Date de parution : 29 juin 2020
Développeur : Anthony De Fault & Richard "Chard" Tongeman
Producteur : Far Few Giants
Franchise : The Sacrifices
Nationalité : Britannique 🇬🇧
Langue : Anglais (interface et sous-titres)
Prix : Gratuit
Taille : 291 Mo
Durée de vie : 10 minutes
Analyse
The Night Fisherman (Le Pêcheur De Nuit) est un roman ludique très court, dont les options de dialogue n'ont aucune incidence sur le déroulé de l'histoire et qui se veut une référence directe à l'introduction d'Inglorious Basterds dans un contexte d'immigration illégale au Royaume-Uni par la Manche.
Outre que le "jeu" ne présente aucun aspect ludique, c'est un pamphlet politique grossier auquel la subtilité nécessaire pour traiter de cette question sensible fait défaut, le seul argument avancé étant un point Godwin.
The Night Fisherman réussit même l'exploit de rater la transposition de la scène de l'interrogatoire d'un résistant par l'officier nazi Hans Landa, qui fonctionne pourtant très bien au cinéma.
- Le pêcheur est trahi par les traits de son visage : c'est évidemment possible pour Hans Landa, de jour et en étant assis en face de son interlocuteur, ça l'est beaucoup moins de nuit lorsqu'on est chacun sur son embarcation.
- Le pêcheur est désarmé : c'est plausible dans le cas du paysan qui se fait surprendre chez lui par les nazis mais ça l'est moins dans le cas du passeur qui sait qu'il est susceptible de rencontrer des gens armés autorisés à buter les migrants et leur passeur.
Bref, les bons sentiments cassent totalement la crédibilité du propos et donc la force du message.
Virtual Exhibition
Virtual Exhibition
Fiche d'identité
Date de parution : 28 mai 2020
Développeur : Kersten Glaser
Producteur : Kersten Glaser
Franchise : Aucune
Nationalité : Allemande 🇩🇪
Langue : Interface en anglais uniquement
Prix : Gratuit
Taille : 789 Mo
Durée de vie : Variable (dépend de la vitesse à laquelle vous visitez une expo photo).
Analyse
Le photographe allemand Kersten Glaser souhaitait créer un espace virtuel pour organiser des expositions photo pendant le Grand confinement de 2020. Il s'agit donc simplement de se déplacer dans des salles dans lesquelles sont exposées des photographies de trois artistes : Flo Slomka, Robert Krenciszek et Christian Thiele.
Kersten Glaser prévoit d'ajouter d'autres salles avec d'autres artistes dans le futur. Dans les points positifs, notons que les options de qualité graphique ne concernent que la salle d'exposition elle-même et que la qualité des photos reste inchangée. Dans les points négatifs, ou plutôt les carences, j'aurais apprécié un fil rouge pour l'ensemble de l'exposition ou a minima que les choix des artistes, des œuvres et de la composition de l'exposition soient expliqués.
Il s'agit donc d'un ersatz d'exposition plutôt que d'un véritable jeu vidéo. La dimension ludique est totalement absente alors qu'elle aurait pu renouveler le genre et apporter une vraie plus-value.
ZACK-LIKE
ZACH-LIKE
Fiche d'identité
Date de parution : 17 juin 2019
Développeur : Zachtronics (Zach Barth)
Producteur : Zachtronics
Franchise : Aucune
Nationalité : Américaine 🇺🇸
Langue : Interface en anglais uniquement
Prix : Gratuit
Taille :
Durée de vie : Virtuellement illimitée
Analyse
Ce n'est pas un jeu mais c'est presque mieux. C'est une collection de plusieurs anciens jeux de Zachtronics développés sur Flash, de prototypes de jeux, dont certains jamais publiés, ainsi que des copies numériques du livre "ZACH-LIKE : A Game Design History" que le studio Zachtronics offre très généreusement à l'Humanité. C'est un indispensable de tous ceux qui s'intéressent au processus créatif d'un jeu vidéo.
Ajoutons que Zachtronics est vraiment un studio hors norme : tous ses jeux sont disponibles gratuitement pour les écoles et les associations éducatives à but non lucratif.
Krystopia : A Puzzle Journey
Krystopia : A Puzzle Journey
Fiche d'identité
Date de parution : 16 octobre 2019
Développeur : Antler Interactive
Producteur : Antler Interactive
Franchise : Krystopia
Nationalité : Suédoise 🇸🇪
Langue : Interface et sous-titres en français et en anglais, audio en anglais uniquement
Prix : 3,99 €
Taille : 1 268 Mo
Durée de vie : 3 heures
Synopsis
Vous êtes Nova Dune, une exploratrice, et vous essayez de trouver l'origine d'un signal de détresse sur une planète abandonnée.
Analyse
Ludicité
Il s'agit d'un jeu d'énigmes, pensé pour une plateforme mobile et tactile. Les contrôles s'en ressentent un peu et manquent de précision, même à la souris.
Les énigmes sont majoritairement basées sur un système de cristaux énergétiques dont le fonctionnement est à mi-chemin entre un circuit électronique et un laser. Il faudra donc transmettre, dévier, réfracter ou encore stocker l'énergie afin d'actionner des mécanismes permettant de progresser dans l'exploration de Krystopia.
La difficulté des énigmes est bien dosée et la pente d'apprentissage est plutôt douce. Certaines énigmes demandent néanmoins une bonne vision d'ensemble ou surprennent car elles nécessitent une logique différente des énigmes à cristaux.
Direction artistique
La musique est de bonne facture mais graphiquement, ça ne casse pas trois pattes à un canard. Aucune amélioration graphique entre les versions mobile et sédentaire.
Public
Le jeu est tout public mais les dernières énigmes demanderont néanmoins un bon niveau de logique. À ne pas mettre entre les mains d'un débutant donc.
Pour ceux qui en veulent plus, la suite (Krystopia : Nova's Journey) sort demain, le 20 juillet 2020.
Suicide Guy
Suicide Guy
Fiche d'identité
Date de parution : 14 juillet 2017
Développeur : Fabio Ferrara
Producteur : Chubby Pixel
Franchise : Chubby Pixel
Nationalité : Italienne 🇮🇹
Langue : Interface en 12 langues, dont le français
Prix : 4,99 €
Taille : 4 225 Mo
Durée de vie : 5 heures
Synopsis
Vous êtes un gros beauf caricatural qui s'est assoupi en laissant échapper de vos mains une bouteille de bière. Vous devez vous suicider dans vos rêves afin de vous forcez à vous réveiller pour rattraper votre boisson préférée à temps.
Analyse
J'ai détesté Suicide Guy sur pratiquement tous ses aspects. Pourtant le jeu connait un franc succès auprès des joueurs et de la critique, ce que je ne m'explique pas. J'ai acheté ce jeu car la présentation qui en était faite sur Steam était avantageuse et les critiques et commentaires étaient majoritairement laudatifs. Je dois avoir téléchargé une version Alpha par inadvertance peut-être parce que chaque heure de jeu a été douloureuse pour moi (mais je sers la science et c'est ma joie). J'ai regardé plusiers fois la date de sortie pour m'assurer ne pas être dans un épisode du Joueur du Grenier.
Ludicité
Une seule idée intéressante dans ce jeu : l'objectif classique de traverser plusieurs niveaux sans mourir est inversé puisqu'il faut ici résoudre une énigme dans chaque niveau afin de trouver le moyen de se donner la mort.
On a donc un jeu de plate-formes / énigmes qui aurait pu être très original si la réalisation n'était pas catastrophique.
Sur l'aspect énigmes, chaque niveau est une insulte à l'intelligence. Les niveaux sont linéaires et leurs mécaniques sont grossières. De plus, certains niveaux doivent être repris depuis le début si les étapes ne sont pas faites dans le bon ordre. Je pense que c'est dû au fait que même dans les rares niveaux qui ne sont pas totalement linéaires, la résolution de l'énigme est pensée comme un enchainement précis d'actions non commutatives.
Sur l'aspect plate-formes, les sauts sont d'une maniabilité révoltante pour un jeu de 2017 et le développeur a cru bon d'équilibrer ça par une capacité à rattraper les plate-formes si on tombe à côté mais la zone de rattrapage possible est tellement grande que ça en devient ridicule : si un pixel de ma tête est encore au dessus de la plateforme alors que j'allais tomber à côté, je peux quand même me hisser dessus. C'est à la fois frustrant (échec d'un saut en raison de la maniabilité) et non gratifiant (saut rattrapé quand même sans aucune forme de mérite). Ce choix va jusqu'à casser la mécanique de certains niveaux.
Ajoutons que la gachette droite sert à frapper et la gauche à roter mais qu'aucune énigme ne requière l'une ou l'autre de ces actions. Ce sont donc deux fonctionalités sans intérêt autre qu'accentuer la beaufitude de notre anti-héros.
Ce n'est qu'arrivé au niveau Jurassic Park que j'ai rencontré une énigme qui m'a donné du fil à retordre : impossible de trouver la solution même en testant toutes les interactions possibles. Je m'avoue vaincu et je regarde la solution sur le forum Steam, pestant contre ce soudain pic de difficulté et un peu honteux de ne pas avoir trouvé la solution seul au bout de plusieurs dizaines de minutes. QUEWAH ??? LA SOLUTION EST AUSSI CONNE QUE DANS LES AUTRES NIVEAUX MAIS IL Y A UN DYSFONCTIONNEMENT LOGICIEL DANS LA VERSION WINDOWS QUI EMPÊCHE SA RÉSOLUTION NORMALE ??? MAIS N*QUE TOI LE JEU !!! LES PIXELS DE TES MORTS !
Bon j'ai utilisé la solution alternative proposée dans le forum pour finir le niveau mais vous aurez compris que cela n'a fait que confirmer la piètre opinion que j'avais du jeu.
Je finirai ma diatribe en parlant de la physique du jeu. La physique est primordiale pour l'expérience de jeu, a fortiori quand on parle d'un jeu d'énigmes basées sur cette physique. Mais Suicide Guy doit être codé par un Shaddock platiste, je ne vois que ça comme explication.

La fenêtre est ouverte mais on ne peut rien jeter dehors hormis ce qui est expressement scrypté pour être jeté dehors car il y a une vitre invisible.

Il est possible de frapper l'oeuf à travers la vitre sans briser celle-ci. Oui car il n'y a qu'un objet possible pour casser cette vitre ... LOGIQUE !
Peut-être l'exemple le plus parlant : il faut utiliser les rayons du Soleil et la loupe afin d'allumer les feux d'artifices dans le frigo. Alors 1) Kamoulox et 2) QUE QUELQU'UN DONNE UN COURS D'OPTIQUE AU DÉVELOPPEUR ! Le point focal de la loupe fonctionne comme un laser, sans notions de distance !
Les esprits chagrins me diront que dans un monde onirique, les lois physiques sont abrogées. A ceux-là je répondrais qu'elles peuvent être abrogées au profit d'autres lois physiques mais à condition de savoir maintenir la suspension de l'incrédulité et pas uniquement pour servir des mécaniques mal pensées.
Un dernier exemple : ici la gravité est la mécanique principale de l'énigme. Pourtant seuls certains éléments influent sur la balance parce que sinon cela permettrait de résoudre l'énigme autrement. La vache ne pèse rien ici mais sera néanmoins utilisée comme projectile plus tard.
Direction artistique
Musiques insipides et effets sonores trop discrets. Graphiquement, c'est à peine du niveau d'une JAM, sans l'excuse de la contrainte de temps. Les quelques références à la culture populaire ne suffisent évidemment pas à sauver l'impression générale de vacuité qui se dégage du jeu.
Public
Bien que la description Steam indique irresponsablement que le jeu ne traite pas du suicide et de la dépression, le suicide reste la mécanique de jeu principale et le titre de l'œuvre essentialise même le protagoniste à cette pulsion mortifère.
En outre, certains passages peuvent se révêler angoissants pour les plus jeunes et certains niveaux obligent à causer de la souffrance animale alors que les mécaniques de jeu permettaient de s'en passer : c'est donc un véritable choix scénaristique. Ainsi, la potion magique d'un des niveaux utilise des animaux vivants que l'on sacrifie plutôt que des ingrédients alchimistes. C'est d'ailleurs plus un ragoût qu'une réelle potion magique au final ... Idem pour la vache d'un autre niveau qui doit être catapultée pour créer une ouverture dans le plafond de la grange : n'importe quel objet lourd aurait fait l'affaire, il n'était pas nécessaire de créer une mécanique de jeu qui implique de buter ce pauvre animal !
Je ne conseille donc ce jeu à personne, a fortiori pas aux personnes pour qui le suicide ou la condition animale sont des sujets sensibles.
Snake Pass
Snake Pass
Fiche d'identité
Date de parution : 28 mars 2017
Développeur : Sumo Digital (Seb Liese)
Producteur : Curve Digital
Franchise : Aucune
Nationalité : Anglaise 🇬🇧
Langue : Interface et sous-titres en cinq langues dont le français
Prix : 19,99 €
Taille : 3 466 Mo
Durée de vie : environ 30 heures pour le 100% (varie fortement en fonction de la prise en main)
Synopsis
Vous êtes Noodle, un serpent constricteur paresseux vivant dans le monde de Haven Tor, un archipel d'îles flottantes couvertes d'une jungle luxuriante. Aidé de votre ami, le colibri Doodle, vous devez réparer les portails entre les îles et trouver le vandale responsable de toute cette pagaille.
Analyse
Ludicité
Le concept du jeu est issu d'une Game Jam organisée par Sumo Digital. Le développeur, Seb Liese, l'a imaginé comme un hommage aux jeux de son enfance et à son serpent de compagnie. Le jeu a tellement plu qu'il a remporté la compétition et que le développement a ensuite continué pour devenir un jeu à part entière du catalogue de Sumo Digital.
La très grande originalité du jeu réside dans sa maniabilité. Il s'agit en effet, à ma connaissance, du seul jeu de plate-formes où il n'est possible ni de courir ni de sauter, notre protagoniste n'ayant pas de jambes.
Il faut donc apprendre à serpenter, à s'enrouler, à enserrer, à se projeter avec sa queue, à nager en ondulant. Contrôler Noodle est vraiment une tâche ardue et il faudra de la patience et une manette pour en venir à bout (le clavier/souris est possible mais fortement déconseillé).
Le jeu est divisé en quatre chapitres de quatre niveaux chacun (sauf le dernier qui n'en compte que trois). Chaque chapitre est lié à un des quatre éléments et vient apporter de nouvelles mécaniques de jeu.
Il existe également deux autres modes de jeux, complètement facultatifs, qui ont été pensé pour les compétiteurs à qui le mode histoire ne suffirait pas.
- Un mode contre-la-montre où il suffit de battre le temps de référence. Le mode est particulièrement intéressant pour les records de vitesse puisqu'il saute automatiquement les cinématiques.
- Un mode arcade où le but est de marquer le plus de points possibles en ramassant des fruits dans un certain délai et en jouant sur le bonus multiplicateur.
Direction artistique
Les graphismes sont très lumineux et colorés, on parcourt des îles luxuriantes et débordantes de vie. On reste toujours dans une ambiance de jungle malgré les variations élémentales en fonction du chapître mais Noodle est un serpent équatorial après tout, pas un ours polaire !
La musique a été composée par le légendaire David Wise, notamment connu pour avoir commis la bande son de Donkey Kong Country.
Dans Snake Pass, David Wise déploie tout son génie pour les ambiances de jungle et fait la part belle aux percussions à consonance exotique, notamment des marimbas en bambou. Chaque chapitre aura également des éléments sonores qui rappelent la thématique élémentale (percussions métalliques pour le monde du Feu par exemple ou encore rafales de vent pour le monde de l'Air). Le talent du compositeur est tel que certains joueurs ont acheté le jeu simplement pour profiter de sa musique.
Public
Le jeu est officiellement classé "PEGI 3" et "ESRB E for Everyone" mais je rappelle que les pédiatres déconseillent les jeux vidéos avant l'âge de six ans. De plus, si l'ambiance est en effet tout public, les contrôles sont bien trop complexes pour un bambin.
Je conseille ce jeu aux joueurs débutants comme aux vétérans car la maniabilité est tellement différente des jeux du genre qu'une habitude vidéoludique est ici un frein dans la progression. Il faut désapprendre ses réflexes de joueur et construire une nouvelle mémoire musculaire. C'est donc un défi intéressant et très gratifiant lorsqu'après des heures de galère et des centaines de chutes dans le vide, on arrive enfin à ramasser le dernier objet, à valider tous les niveaux sans mourir ou à finir ce p*tain de niveau sans toucher l'eau.
The Longing
The Longing
Fiche d'identité
Date de parution : 5 mars 2020
Développeur : Studio Seufz (Anselm Pyta)
Producteur : Application Systems Heidelberg
Franchise : Aucune
Nationalité : Allemagne 🇩🇪
Langue : Pas d'audio, interface et sous-titres dans neuf langues dont le français
Prix : 14,99 €
Taille : 5 301 Mo
Durée de vie : Sans intérêt (non pertinent)
Synopsis
Vous êtes une Ombre, invoquée par un Roi chthonien afin de veiller sur son sommeil pendant les quatre cent jours dont il a besoin pour recouvrer sa puissance. Le Roi vous a interdit de gagner la surface mais il vous reste les nombreuses galeries du Royaume souterrain à explorer.
Analyse
Ludicité
Quoi de mieux pour patienter pendant le confinement qu'un jeu dépressif allemand qui a fait de l'ennui une mécanique de jeu ? Comment donc, fifrelin ? Vous osez vous montrez dubitatif ? Et pourtant ...
The Longing (L'Attente) est une expérience vidéoludique unique en son genre qui questionne la définition même du jeu. En effet, peut-on jouer à s'ennuyer ? L'ennui n'est-il pas l'antithèse du jeu ?
Quand je parlais d'attendre le retour du Roi pendant quatre cent jours. Il s'agit de quatre cent journées en temps réel. Quatre cent jours de votre vie à attendre que le jeu se finisse. Il y a donc deux possibilités :
- Lancer le jeu une première fois pour amorcer le compteur, ne plus y toucher pendant quatre cent jours et enfin le lancer une seconde fois pour réveiller le Roi au terme de sa longue sieste.
- Essayer de trouver de quoi s'occuper pour faire passer le temps. En explorant le donjon, on trouve de quoi rendre notre abri plus confortable, ce qui accélère le temps passé dedans. On peut aussi découvrir une des fins alternatives possibles.
J'ai été déçu de découvrir cette possibilité d'altérer la vitesse à laquelle le temps passe. Pour moi, la promesse d'une véritable attente de quatre cents jours était une proposition poétique romantique, pouvoir finir plus tôt casse en partie la force et la portée du jeu.
Reste que l'expérience "active" de jeu garde toute sa saveur : tout est incroyablement lent. Il faut plusieurs minutes pour ouvrir une porte ou traverser un couloir, la moindre action demande de s'armer de patience, parfois pendant des heures ou des jours !
Ajoutons à cela les remarques dépressives de l'Ombre et on se dit qu'il faut un peu de masochisme pour jouer à ce jeu. Petit florilège des aphorismes de la joie de vivre incarnée :
- Parfois, lorsque je m'ennuie, je mange des pierres.
- Ramasser de la mousse est une activité que je recommande à tous ceux qui cherchent à se divertir.
- Une touffe de mousse. C'est la plus belle de ma collection jusqu'ici.
- J'étais en train de passer un moment des plus plaisants à ne penser à rien de spécial ...
- J'ai déjà vu tous des endroits. Les mêmes cavernes, identiques à comme elles étaient il y a cent jours de cela.
Note : J'ai fini le jeu en deux mois au lieu des quatre cent jours auxquels je m'attendais. J'ai donc décidé de recommencer le jeu le 22 juin 2020 et de ne plus y toucher pendant quatre cent vraies journées cette fois-ci.
Direction artistique
Le jeu est inspiré d'une légende allemande qui veut que l'Empereur Frédéric Barberousse dorme sous les montagnes de Kyffhaüser et que son reveil coincide avec la restoration de la grandeur allemande.
Les graphismes sont similaires à ceux des autres jeux de Anselm Pyta, notamment Murder qui pourrait même se dérouler dans le même univers médiéval-fantastique. Tout en restant dans un style bande dessinée, on note un rendu final plus lêché, avec plein de petits traits, comme dans une note de Boulet.
La bande son est très minimaliste, souvent uniquement des sons d'ambiance qui amplifient le sentiment de solitude lors des phases d'exploration. Il y a cependant quelques musiques qui détonnent et qui symbolisent la grandeur passée du Royaume, soit lorsque le Roi prend la parole, soit dans certaines salles majestueuses.
Ces musiques ont été principalement composées par Lord Redstone mais quelques pistes sont dues au talent de Spectral Kingdom, Erdstall, Dungeontroll, Vindkaldr et Erang, d'autres groupes de Dungeon Synth. The Longing m'a permis de redécouvrir ce genre musical, historiquement proche du black metal et ô combien pertinent dans ce jeu sombre et triste qui fait la part belle à l'ambiance.
Public
Il est possible que l'Ombre se suicide. Le jeu aborde également des thèmes difficiles comme la dépression et la solitude. Son concept très expérimental ne plaira sans doute pas aux plus jeunes de toutes façons. Je conseille fortement ce jeu à ceux qui conçoivent le jeu vidéo comme un art et veulent en tester les limites.